Ibrahima Maiga
Ce qui était hier un duo invincible, forgé dans les geôles de la République et porté au pouvoir par une vague de colère populaire, ressemble aujourd’hui à un théâtre d’ombres. Bassirou Diomaye Faye, président du Sénégal, et Ousmane Sonko, son Premier ministre et frère d’armes, s’affrontent au grand jour, au risque de faire basculer leur coalition.
La malédiction du pouvoir frappe sans pitié ceux qui s’en approchent de trop près.
Derrière les communiqués officiels et les déclarations tonitruantes, que révèle vraiment cette querelle fratricide ?
Retour en arrière : mars 2024
Après des mois de troubles, manifestations et arrestations arbitraires sous le régime de Macky Sall, le Sénégal retient son souffle. Ousmane Sonko, leader charismatique de Pastef-Les Patriotes, est disqualifié de la course présidentielle par une justice qu’il accuse de partialité.
Au lieu de se retirer, il passe le flambeau à Bassirou Diomaye Faye, ancien inspecteur des douanes discret mais fidèle.
Diomaye mooy Sonko. Diomaye est Sonko.
Faye triomphe au premier tour avec 54,28 % des voix, mettant fin à vingt ans de pouvoir libéral. Sonko est nommé Premier ministre dès le lendemain. Ensemble, ils incarnent l’espoir d’une refondation : souveraineté, justice sociale et rupture avec les élites corrompues.
Huit mois plus tard : l’idylle vire au cauchemar
Le 12 novembre, Faye annonce par décret la destitution d’Aissatou Mbodj, proche de Sonko, du poste de coordinatrice de la coalition Diomaye Président. Elle est remplacée par Aminata Touré, ancienne Premier ministre et alliée fidèle du président.
Pastef réagit aussitôt :
« Le président n’a pas le pouvoir de destituer quiconque dans cette structure. Pastef ne partage ni les valeurs ni les principes de la nouvelle désignée. »
La fracture est béante et exposée au grand jour, marquant le début d’un conflit ouvert pour le contrôle de l’appareil étatique.
Un contexte économique fragile
La querelle survient alors que le Sénégal négocie un programme avec le Fonds monétaire international. Après la découverte de dettes cachées estimées à plus de onze milliards de dollars, un soutien de 1,8 milliard est gelé et les obligations sénégalaises chutent de plus de 300 points.
Sonko accuse le FMI de pousser à une restructuration que le gouvernement refuse, tandis que le FMI rappelle que c’est une décision souveraine.
Des analystes s’inquiètent : sans cohésion au sommet, comment négocier avec les puissances d’argent ?
Divergences et tensions internes
Les désaccords entre Faye et Sonko ne sont pas nouveaux. Sonko incarne la flamme révolutionnaire avec sa base militante, tandis que Faye, plus technique et diplomate, semble vouloir s’émanciper de l’ombre de son mentor.
Des divergences existent sur :
La gestion des nominations La politique étrangère La stratégie électorale pour les législatives à venir
Pastef menace même de former une nouvelle coalition, laissant la coalition originelle en lambeaux. Aminata Touré est perçue par les soutiens de Sonko comme l’incarnation des anciennes élites que le peuple avait rejetées.
Quel avenir pour le Sénégal ?
Pour l’instant, le gouvernement tient, mais l’image d’un exécutif divisé risque de miner la légitimité du régime.
« Nous sommes des frères, le peuple nous a unis, nous ne nous séparerons pas », déclare Sonko à la télévision nationale.
Malgré ces assurances, le pouvoir reste un poison lent. Ce qui a commencé dans la prison pourrait-il s’achever dans les salons feutrés de la séparation ?
Le Sénégal, berceau de la négritude et terre de résistances, attend la suite de ce feuilleton tragique.
Une leçon pour tous ceux qui croient dompter la Bête : une fois au sommet, la vue est belle, mais la chute est impitoyable.
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